Pouvons-nous travailler mieux et livrer autant de valeur en moins de temps ? Pour moi, la réponse est évidente. Alors que chacun cherche à mieux équilibrer sa vie personnelle et professionnelle, le temps devient la ressource la plus critique. Réussir la semaine de 4 jours est un atout sérieux pour les entreprises qui souhaitent attirer et retenir les meilleures équipes.
J’ai été ravie de voir qu’un entrepreneur avait osé et réussi à mettre cette pratique en œuvre. Andrew Barnes l’explique dans son livre écrit avec Stéphanie Jones. Je vous partage ce qu’il faut en retenir.
La majorité d’entre nous se rendent encore dans une usine ou chez un client, et effectuent leurs tâches dans un horaire fixe. Mais pour les travailleurs du savoir, le travail est de moins en moins associé à un lieu et un moment.
Comment travaillons-nous en ce moment ?
Régulièrement, des études s’intéressent au temps productif en entreprise. En 2019, Vouchercloud a sondé près de 2000 employés à temps plein en Grande-Bretagne. Le temps productif était en moyenne de 2h53 par jour (sur 8 heures de bureau). En 2022, Zippia obtenait une moyenne de 4h12 de travail par jour avec un sondage auprès de 1000 employés à temps plein américains. Quel que soit le chiffre exact, c’est sûr que personne n’est efficace 8 heures par jour. En rajoutant le temps de trajet, nous passons de nombreuses heures loin de la maison.
La « gig economy » (économie des petits boulots) offre une flexibilité de travail important en théorie. Chacun peut décider quand et comment travailler. Mais après quelques années, nous savons maintenant qu’il n’en est rien, qu’elle a surtout précarisé la main-d’œuvre et fait reculer les acquis du droit du travail.
Le concept de la semaine de 4 jours payée 5
Andrew Barnes a décidé de faire mieux et d’offrir une solution gagnant — gagnant. Son discours était simple: je veux des équipes heureuses et productives. Je vous offre un jour par semaine pour faire ce que vous voulez, en échange, vous faites le même travail.
Cette approche est pragmatique, elle prend en compte les connaissances que nous avons sur la façon dont nous passons nos journées. La demande aux équipes est simple: il s’agit de travailler au lieu d’aller sur les réseaux sociaux, lire l’actualité ou discuter avec ses collègues de sujets hors travail. Chacun récupère le temps ainsi gagné et l’utilise comme bon lui semble : lire les réseaux sociaux chez lui, discuter avec des collègues de bureau dans un bar ou passer plus de temps avec sa famille, aller faire du sport…
Une idée simple et audacieuse, mais difficile à mettre en œuvre. En effet, il suffit de quelques individus pour que le changement ne s’opère pas. Nous avons un paradigme bien établi, qui date de plus 100 ans et promeut le modèle 8 h de travail, 8 de loisirs et 8 h de repos. Si ce modèle a amélioré les conditions de nos ancêtres, il ne s’applique plus en 2022.
Alors quelles sont les clés du succès de la semaine de 4 jours ?
Bâtir la confiance
Pour que ça fonctionne, vous devez avoir une culture qui favorise la confiance. La décision est prise en haut, mais ce sont les équipes qui décident de l’application. Chaque secteur détermine ce qui fonctionne le mieux pour sa réalité. Quels sont les changements à apporter dans l’organisation du travail pour que le concept fonctionne?
Garder les choses simples
100 % du salaire pour 80 % du temps et 100 % de la productivité. Ça peut être la semaine de 4 jours, ou des heures réduites chaque jour. J’imagine que ça pourrait aussi être une semaine non travaillée toutes les 5 semaines ou encore deux mois non travaillés (en plus des congés) chaque année. Chaque entreprise a sa réalité et ses cycles.
Faire un pilote ou se lancer
Encore une fois, selon votre organisation, un pilote pour tester ou convaincre peut être la meilleure option. Si votre organisation est déjà libérée ou très Agile, n’hésitez pas à vous lancer directement.
Changer le paradigme
Il y a un concept clé à comprendre et changer: le goulot c’est le temps, les autres ressources sont plus abondantes. Comment pouvons-nous mieux utiliser notre temps ? Notre société valorise l’occupation, le fait d’être débordé et de travailler beaucoup. Il est possible d’être heureux en travaillant moins.
Faire ses devoirs
Avant de vous lancer et même d’en parler, vous devriez prendre une mesure du niveau de bonheur ou de productivité. C’est le meilleur moyen de mesurer vos progrès. Ensuite, prenez le temps de valider la législation du travail, que pouvez-vous faire et comment devez-vous modifier les contrats de travail ?
La semaine de 4 jours est avant tout un objectif de productivité. Le bonheur des équipes et l’équilibre de vie sont les conséquences de la productivité.
Gérer les individus très productifs
C’est à mon avis le plus grand défi. Les personnes qui sont déjà productives à 100 %, qui travaillent toute la journée sans s’arrêter. Elles ne prennent pas de pauses, ne lisent pas les réseaux sociaux sur le temps de travail, et ont déjà du mal à faire tout leur travail en 8 heures par jour.
Quand elles vous partageront leurs craintes, écoutez-les. Essayez de comprendre ce qui cause leur surmenage. S’agit-il d’une construction mentale pour répondre à des impératifs culturels? En effet, il est assez mal vu de ne pas avoir de travail.
Si leur travail est déjà optimisé, il y a des choses qui ne se feront plus. Vous devrez choisir lesquelles. Ces personnes sont peut-être victimes de sur qualité, elles peuvent aussi avoir du mal à aligner leurs actions avec la vision de l’entreprise. Dans tous les cas, vous devrez les accompagner et voir ce qui pourra être amélioré ou arrêté pour gagner du temps. Méfiez-vous, le temps qu’elles gagnent, ce n’est pas pour en faire plus, mais pour rentrer chez elles et vivre. Si elles ne peuvent pas s’empêcher de travailler et n’ont aucune autre activité, envoyez-les faire du bénévolat. De nombreux organismes ont besoin de personnes de talent.
Mettre en œuvre la semaine de 4 jours
Ce concept s’applique aussi dans les centres d’appels, le commerce et les entreprises ou des horaires fixes existent. C’est sûr qu’il faudra plus de personnel pour couvrir les plages horaires, mais ultimement, des individus plus heureux seront moins malades, feront moins d’erreurs, resteront en poste plus longtemps et feront plus de vente ou de clients satisfaits. Ces gains, souvent ignorés, sont importants.
John Maynard Keyness (économiste 1883-1946) prédisait en 1930 que dans le futur l’automatisation ferait que les humains travailleront seulement 15 h par semaine. Ça vous tente ?