Dans un monde qui se redéfinit à la suite d’une longue pandémie, il reste beaucoup d’incertitudes. Après plusieurs mois passés à la maison, certains ont repris le chemin du bureau en chantant, d’autres en trainant les pieds. Dans un contexte favorable aux employés, plusieurs préfèrent démissionner plutôt que de retourner au bureau. Que se passe-t-il ? En temps que gestionnaire, que pouvez-vous faire pour comprendre la situation et poser les bonnes actions ?
Je ne peux pas retourner au bureau
Commençons par les situations pour lesquelles vous avez peu de solutions: pour certaines personnes, il est impossible de retourner au bureau…
Les problèmes de santé physique ou mentale
Pour différentes raisons, la santé physique, mais aussi mentale, de vos équipes n’est pas à son meilleur. Plusieurs ont raté des évènements importants avec leurs proches, que ce soient des naissances, des décès, des mariages, mais aussi le temps passé en famille et avec les amis. Ce manque exacerbe les fragilités.
À l’abri dans le confort de leur maison, ils et elles pouvaient s’organiser et cacher leurs émotions. Le retour dans un environnement professionnel leur demande un effort supplémentaire. Leur masque est lourd à porter. Ainsi, leur réaction est de fuir le bureau. Vous devez identifier ces personnes pour vous assurer qu’elles bénéficient du soutien dont elles ont besoin.
C’est le moment de leur parler d’aménagement du temps de travail. Vous devez vous assurer qu’ils et elles voient un professionnel, pour avoir un diagnostic et bénéficier du soutien financier pour les absences en lien avec leur état.
Le travail des proches aidants
Que ce soit un jeune enfant, un parent vieillissant, ou un conjoint qui souffre, votre équipe à vécu des changements dont vous n’êtes peut-être pas conscient. Si ces personnes arrivaient à concilier leur travail de bureau avec leur travail de proche aidant depuis la maison, l’équation semble impossible à résoudre avec un retour au bureau.
Que fait votre organisation pour ces employées ? Ce sont dans 75 % des cas des femmes. Comment pouvez-vous les aider à rester en emploi ? Elles ont besoin de soutien pour réaliser leur travail de proche aidant. Vous pouvez les guider vers des services d’aide à domicile, et même les subventionner. Vous pouvez organiser la livraison de panier-repas ou de légumes sur le lieu de travail. Enfin, vous pouvez revoir la flexibilité que vous offrez. La semaine de 4 jours payée 5 peut bénéficier à tous.
Je ne veux pas retourner au bureau
3 % de problèmes
Bon, on ne va pas se le cacher, en moyenne 3 % des employés posent problème. Ils ne veulent tout simplement pas travailler, et se cachent à distance. Ce ne sont pas eux qui vont démissionner, car ils ne connaissent pas les conditions ailleurs. Leurs valeurs ne cadrent pas avec celles de votre organisation. Vous devez travailler avec eux et vous séparer s’ils ne veulent pas fonctionner selon le système de valeur de votre organisation.
Si c’est vous qui les avez embauchés, c’est le moment de retrouver vos notes et de chercher ce qui vous a échappé lors du recrutement. Quelle question auriez-vous dû vous poser pour mieux les cerner et ne pas les embaucher du tout ?
Ça ne m’apporte rien de retourner au bureau
Ils vous expliquent qu’ils sont plus efficaces à la maison. Elles vous disent qu’elles ne sont pas interrompues toutes les dix minutes, qu’elles peuvent se concentrer. Ils vous vantent l’ergonomie de leur installation à la maison. Elles vous indiquent le nombre d’heures perdues chaque semaine dans les transports. Ils et elles ont tout à fait raison… Mais leur analyse oublie l’importance du travail de colle (glue work, tel que défini par Tanya Reilly, article en anglais).
Il s’agit de toutes les tâches insignifiantes qui font le succès des équipes. L’accueil des nouveaux employés, la standardisation et la documentation des méthodes de travail, l’organisation, la prise et diffusion de notes des réunions, ou encore la facilitation des échanges quand la situation est bloquée entre deux personnes ou équipes. Toutes les tâches qui n’apportent rien à la personne qui les réalise, mais beaucoup à l’organisation. Selon HBR (article en anglais), ce sont surtout les femmes qui les font. Et dans un contexte où une partie des employés est à la maison, ces tâches incombent à celles qui sont au bureau. Pas étonnant dans ces conditions que personne ne veuille retourner au bureau pour faire tout ce travail « inutile ».
Vous avez deux axes pour résoudre cette problématique. Tout d’abord prendre conscience de l’importance de ce travail de « colle » et le partager équitablement dans l’équipe. Ensuite vous devez vous assurer que vos équipes partagent votre vision. Vous travaillez tous ensemble à un but commun, les objectifs personnels ne sont que des étapes pour le plus grand objectif, des éléments d’un tout. Au-delà de la création de sens, vous pourriez passer à l’action et changer votre modèle d’évaluation de la performance pour le faire par équipe plutôt que par individu.
Pour ce qui est du temps de transport, encore une fois la semaine de 4 jours payée 5 peut être une solution. Mais ce qui va aider c’est surtout la valeur que la personne va retirer de sa présence au bureau. Des services pour simplifier la vie de vos équipes, tels qu’un coiffeur ou une salle de sport, peuvent améliorer cet investissement en temps de déplacement.
Micro management
Quelle autonomie donnez-vous à votre équipe ? C’est un des trois piliers de la motivation. Quels bénéfices tirent-ils de leur efficacité ? La gestion du temps de travail, sans considération des résultats, peut avoir des effets délétères sur la performance et la motivation. Il s’agit en effet d’une façon de « micro-manager » une équipe.
En contrôlant tout ce que font les employés ou en mesurant chaque minute de leur temps, vous les traitez comme des irresponsables. Ils vont donc se comporter de la façon dont vous les traitez. C’est un cercle vicieux, dont il vous sera difficile de sortir.
Vous devez avoir confiance que votre équipe prendra les bonnes actions et décisions pour aller là où vous avez décidé. Les erreurs arrivent et sont l’occasion d’apprentissage, pour vous et pour elle.
Conclusion : un équilibre fragile
Personne n’aime changer. Un changement implique un déséquilibre, ce qui est inconfortable. Nous tendons à revenir à l’équilibre, mais cela peut prendre du temps. Laissez à votre équipe le temps de retrouver cet équilibre. Chacun y va à son rythme, avec ses solutions. La communication est la clé de votre succès.
Une fois que vous avez retrouvé votre propre équilibre, comment pouvez-vous aider les autres ? Si vous êtes vous-même insatisfait de ce retour au bureau, alors vous ne pouvez rien faire pour vos équipes. Quelle est la cause de votre insatisfaction ? Il y a des chances que votre équipe vive la même chose. En améliorant les conditions de travail pour vous-même, vous le faites aussi pour les autres. Que ce soient des petites salles calmes pour que chacun puisse méditer, travailler en silence ou passer un appel personnel à l’implantation de services ou le changement de l’évaluation de la performance, encore une fois c’est votre organisation qui sortira gagnante de votre travail de « colle ».