J’ai eu la chance de participer au premier Colloque Lean de la Santé et des Services Sociaux, les 26 et 27 janvier 2012 à Orford. Si le chemin de l’amélioration est long et les défis à relever importants, j’ai rencontré des cadres et des directeurs du milieu de la santé convaincus que l’amélioration continue et la philosophie « lean » étaient le modèle d’avenir pour la gestion de leur services.
Ce colloque était organisé par la Communauté virtuelle de Pratique en Amélioration Continue. Ce colloque avait pour objectif de partager et créer des liens entre les établissements de santé. Le ministre de la Santé québécois, Yves Bolduc, a demandé il y a quelques mois à l’ensemble des centres de services en santé d’appliquer la « méthode Toyota » pour améliorer leur processus. Au-delà des simples mots et de la méthodologie, ce colloque était l’occasion pour les participants de partager autour de ce thème ils pouvaient ainsi mieux comprendre ce que les méthodes inspirées du modèle Toyota pouvaient leur apporter.
Une conférence orientée partage de bonnes pratiques
Les conférences étaient de très haut niveau. Nous avons eu des exemples de centres hospitaliers appliquant ces méthodes depuis plusieurs années :
- Thedacare au Wisconsin
- St Boniface dans le Manitoba
- Une équipe du CHU Mont Gondinne en Belgique, est venue nous présenter ce qu’ils ont vécu dans leurs deux premières années de « lean »
- Un centre jeunesse qui a commencé la démarche il y a à peine plus d’un an a également partagé son expérience.
Les présentations étaient orientées formation : qu’est ce qui a marché, qu’est-ce qui fonctionne moins bien, comment nous aurions pu mieux faire,… À chaque conférence, la philosophie et quelques outils étaient également présentés. Bien que connaissant les outils, méthodes et la philosophie, j’ai été passionnée par le charisme des conférenciers et les exemples donnés. En parallèle des conférences, 4 ateliers regroupant une vingtaine de participants proposaient des échanges plus concrets et plus interactifs.
J’ai été impressionnée par le grand nombre et la variété de participants. Nous étions 184 personnes provenant de 54 établissements de santé (dont 2 hors-Canada). Il y avait 61 professionnels, 42 cadres et 81 directeurs. Les participants étaient attentifs et posaient beaucoup de questions à chaque conférencier. Dans les discussions que j’ai pu avoir avec certains participants, j’ai ressenti tout l’intérêt, mais aussi tous les questionnements qu’apportent cette démarche.
Le Lean, un changement avant tout culturel
Une des conférences a d’ailleurs posé cette question pertinente de la distinction entre « faire » du lean et « être » lean. Cette question est aussi importante pour les centres hospitaliers que pour les entreprises industrielles ou de service. Tout le monde peut faire un projet lean. Les outils sont connus et bien documentés. Un livre, une formation et tout le monde peut appliquer et faire du 5 S, un SMED ou même un projet Six Sigma. C’est pour cette raison que les conférenciers ont insisté sur les facteurs clés de succès. En effet, la réussite passe par l’organisation et la culture plus que la technique. Il est bon de voir que pour implanter l’amélioration continue dans le secteur de la santé, l’accent est mis sur le changement de culture et de modèle organisationnel. Les points qui sont le plus ressortis sont :
- l’engagement de la direction,
- des objectifs clairs et une gestion des priorités,
- l’écoute et le respect du terrain, là où sont les experts.
Plusieurs conférenciers ont parlé du Gemba, mot japonais signifiant « là où se passe l’action » qui pourrait se traduire « terrain ».
Être lean, en impliquant tout le monde
Si faire du lean est facile, être lean demande beaucoup plus d’efforts mais apporte également plus de résultats. Car chez Thedacare, qui est lean, 6000 employés sont dédiés à l’amélioration continue. Une équipe de 24 personnes vient les supporter et réalise des projets. Mais au quotidien, chacun est responsable de l’amélioration continue. Ce qui donne beaucoup plus de résultats et pérennise les actions. Cet hôpital a commencé la démarche depuis une dizaine d’années. Ça prend beaucoup de temps pour en arriver à un tel niveau d’intégration de la culture d’amélioration continue. C’est un objectif que toute entreprise qui se lance devrait se fixer. Cet objectif sera planifié à long terme, mais dès les premiers projets, l’implication des équipes, la formation des gestionnaires pour accompagner les personnels de terrains dans leur prise d’autonomie et l’animation au quotidien devraient être pensés.