Surqualité : le gaspillage #1 des professionnels

Perfectionniste, attentif au détail, ou tout simplement professionnelle. Des qualités qui peuvent devenir un danger si l’on n’y prête pas garde. La surqualité se cache à chaque virage. Alors, comment ne pas tomber du mauvais côté?

Qu’est-ce que la surqualité ?

C’est tout simplement en faire trop. En faire trop du point de vue du client. C’est faire quelque chose que le client n’a pas besoin, ne veut pas, ou n’utilise pas. Il s’agit de se placer du point de vue du client, et de bien connaitre la valeur qu’il perçoit dans votre service. Cette valeur peut être différente de ce que vous imaginez. Le mieux est de prendre un exemple.

Je fais appel à un service de traduction pour traduire un document. Une fois d’accord sur le prix et le délai, j’envoie mon document par courriel. Je reçois la copie traduite avec la certification de traduction quelques jours plus tard. Voici les actions que la traductrice réalise.

Quiz: selon vous, quelles étapes sont de la surqualité?

 

#1. Accuser réception du document

Cette première étape est discutable, mais pour confirmer au client le délai de livraison et surtout que le document est bien arrivé, qu’elle commence à travailler dessus, je trouve que ça apporte de la valeur. J’ai envoyé à la bonne addresse et ce n’est pas passé dans ses spams. C’est d’autant plus important si nous n’avons pas communiqué par courriel initialement.

#2. Renommer les fichiers avec une codification interne

Cette codification interne est une preuve de l’organisation de la traductrice. Elle ne va pas mélanger mon document avec d’autres et l’envoyer à un autre client. Je la paye pour qu’elle travaille correctement.

#3. Identifier la police utilisée dans le document pour produire une traduction visuellement identique à l’original

Une policie similaire fera l’affaire, pas besoin d’avoir la police exacte. Ce qui compte c’est surtout la forme générale du document.

#4. Traduire le document

Il s’agit du coeur de la valeur produit par la traductrice.

#5. Demander au client de clarifier un terme ou un concept

Pour faire bon du premier coup, elle me demande des précisions. Cela va accélerer son travail et surtout éviter un retour et une correction après avoir fini et livré le document. Ni elle, ni moi ne voulons d’un délai de reprise.

#6. Faire des recherches additionnelles sur le terme ou le concept sur Internet

Ce sont des recherches additionnelles. Si elle n’a pas compris, c’est embêtant pour elle, mais je ne suis pas prête à payer pour ce travail additionnel.

#7. Relire pour des erreurs de traduction

C’est discutable. Dans le but de faire bon du premier coup, il ne devrait pas y avoir de relecture. Mais nous sommes des humains, et donc faillibles. UNE relecture apporte de la valeur. Pas deux, trois ou plus.

#8. Faire un suivi de l’avancement au client pour confirmer la date de livraison prévue

Le délai étant de quelques jours, le suivi n’apporte rien au client. Le suivi serait utile pour informer d’un retard dans la livraison.

#9. Mettre la traduction en forme

Pour simplifier l’utilisation du document, il est indispensable que le texte traduit ressemble au document original. La mise en forme fait partie de la valeur fournie par la traductrice.

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#11. Zipper les documents avec un mot de passe et communiquer celui-ci par téléphone au client

J’ai envoyé mes documents par courriel, ils ne sont donc pas si confidentiels. La traductrice devrait me renvoyer mes documents de la même manière. Elle a sûrement raison. Mais en temps que client je ne valorise pas cette étape. Pire elle peut m’énerver car je devrais la recontacter si je perds le mot de passe.

#12. Envoyer la traduction avec la facture

Même si la facture est moins agréable, elle fait partie de la prestation de service et apporte de la valeur au client.

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Bravo, vous avez compris le concept de surqualité. Ou du moins, vous la voyez comme moi…

L’important est de réflechir au contexte et de se placer du point de vue du client. La surqualité est toujours nuancée.

Alors, avez-vous compris? Partagez-vous mon jugement de ce qui a de la valeur ou pas?

Rappelez-vous que la valeur est dans les yeux du client, pas dans ceux de la traductrice qui offre le service. Elle a beau trouver super important de rechercher la bonne police de caractère, si le client ne le valorise pas, c’est de la surqualité. Elle passe du temps à faire quelque chose que le client ne veut pas payer. De la même façon, je paye pour une traduction juste. Pas pour des erreurs qui vont être corrigées…

En quoi c’est un problème ?

Nous faisons tous de la surqualité. En général, elle est associée à des choses que l’on aime. Comme on éprouve du plaisir à effectuer la tâche, on en fait plus, ça devient trop et on perd notre temps.

Attention, je parle d’un point de vue de la productivité et du client. J’ai à cœur votre bien-être au travail. Loin de moi l’idée que vous deveniez productif à 100% de votre 40-heures semaine. Personne ne peut vivre ainsi, notre cerveau a besoin de pauses.

Du point de vue du client, et donc de la performance de l’organisation, la surqualité est un gaspillage. Elle ne génère aucune valeur pour le client. C’est du temps perdu. Votre employé pourrait faire autre chose de plus important pour le client, ou tout simplement travailler moins pour le même résultat.

Exemples de surqualité et gaspillages associés

Collecter de l’information qui ne sera pas utilisée

Il est tentant de vouloir tout mesurer quand on vous met un outil de suivi du temps dans les mains. Combien de temps ai-je passé sur cette étape, dans ce processus, pour ce client. Mais ultimement, comment allez-vous utiliser l’information? Quelle décision allez-vous prendre? Si c’est juste pour savoir, pour le fun, alors c’est du loisir, pas du travail…

Produire un rapport ou un document au cas où

Pour se rassurer, on demande à notre équipe d’analyser des données ou d’effectuer des recherches. Pire, on paye des consultants pour le faire. Une fois le rapport remis, on le lit (ou pas) et il prend la poussière dans un coin. Personne ne prend d’action après avoir lu le rapport.

Aider les autres sans leur dire

Tout le monde veut bien faire, et nous avons nos petites manies. Dans le but d’aider, nous accomplissons parfois des tâches que les autres doivent reprendre. Le manque de communication est la cause de cette surqualité. Les exemples sont multiples : le réceptionniste attache le reçu avec la facture alors que la comptable détache immédiatement les deux. Le commis renomme les documents scannés et l’analyste les renomme à son tour. L’acheteur négocie des prix auprès de fournisseurs, alors que l’ingénieure est en train de négocier avec d’autres fournisseurs.

Palier aux erreurs ou manque de formation

Bien que ça se produise tous les jours, c’est difficile à détecter. Les personnes travaillent et sont occupées.

Prenons l’exemple d’un chargé de communication. Il a eu besoin de deux jours pour créer une liste de diffusion. Très bon communicateur, les fonctions avancées d’Excel lui étaient inconnues. La fois suivante, il a simplement indiqué à une analyste de données ce qu’il voulait, et cette dernière a sorti la liste en moins d’une heure.

La révision orthographique est un autre exemple. Vous pouvez utiliser un correcteur automatique ou demander à une autre personne de relire. Mais se relire 10 fois n’améliore pas la qualité, surtout dans un court laps de temps. Notre cerveau est incapable de voir nos erreurs. J’en suis consciente, je suis choquée de mes fautes quand je relis un article quelques années après l’avoir publié.

Comment produire le juste niveau de qualité ?

Pour éviter la surqualité, il faut d’abord l’identifier. Malheureusement, c’est plus facile de voir la paille dans l’œil du voisin que la poutre dans la sienne. Vous pouvez utiliser les commentaires de vos collègues ou proches. « Tu n’en fais pas un peu trop » devrait allumer le voyant surqualité dans votre cerveau. Quand vous passez du temps sur une tâche, vous pouvez vous demander si votre client serait prêt à payer pour ça.

À retenir

Dans tous les cas, pour bien juger, connaitre la valeur délivrée au client et la vision de l’organisation sont des incontournables. C’est du client que tout commence, et c’est lui le seul juge au final.