Un des outils les plus puissants de la théorie des contraintes est le nuage d’évaporation. Avec un nom poétique, il cache une technique imparable pour résoudre les conflits. Que ce soit entre deux individus, deux groupes ou tout simplement pour résoudre un dilemme interne, cet outil dissipe le brouillard. Sans plus attendre, je vous explique le fonctionnement et la technique au travers d’un exemple.
Dans quels cas utiliser le nuage d’évaporation?
C’est un outil qui rend le lien entre quoi changer et pourquoi changer visible. Il est utile quand deux actions semblent s’exclurent l’une l’autre, ou qu’on ne peut pas les actionner en même temps, bien qu’elles aient un objectif commun.
Je dois rendre mon rapport dans les délais (action 1) et je dois rendre un document de qualité (action 2). Je n’ai pas le temps de faire les deux, et pourtant je le dois pour satisfaire mon client (Objectif commun).
Quand on a l’impression que le compromis est impossible, nous sommes dans une situation gagnant-perdant ou pire perdant-perdant. Le nuage d’évaporation vient trouver la solution gagnant-gagnant. Il trouve une solution qui répond à l’objectif commun tout en s’assurant que les conditions de chaque partie soient répondues.
Suis-je vraiment en présence d’un conflit?
Un conflit apparait quand j’ai l’impression de ne pas pouvoir profiter des bénéfices de mon choix. C’est totalement subjectif. Ainsi, pour certains choisir entre fromage et dessert est un conflit, car ils voudraient le sucré et le salé. Pour d’autres ce n’est pas un conflit, car ils ont assez mangé et n’ont pas envie de sucré.
Concrètement, il faut observer les échanges. Des phrases comme « il n’y a qu’a », « il faut qu’on » ou encore « oui, mais » indiquent la présence de conflit potentiel.
Dans tous les cas, en documentant le nuage, vous aurez la confirmation qu’il s’agit d’un conflit.
Documenter le conflit dans un nuage d’évaporation
Le nuage d’évaporation contient 5 cases reliées par des flèches. Vous pouvez faire votre nuage de droite à gauche (méthode « officielle ») de gauche à droite ou encore en vertical, selon la place que vous avez et votre raisonnement.
Étape 1. Inscrivez dans les cases D et D’ les deux termes du conflit, les deux actions ou besoins contradictoires
Étape 2. Inscrivez dans la case A l’objectif commun.
Étape 3. Cherchez la (ou les) condition(s) nécessaires pour chaque branche. C’est-à-dire ce que la personne pense qu’il faut pour réaliser l’objectif. Vous pouvez utiliser une phrase pour vous assurer d’avoir placé chaque élément au bon endroit. Pour (objectif), il faut (condition nécessaire). Pour (condition nécessaire), il faut (prérequis/besoin).
Étape 4. Vérifiez que la condition C est mise en danger par le prérequis D et vice-versa. Si ce n’est pas le cas, il n’y a pas de conflit, ou les conditions ne sont pas les bonnes, il faut continuer à chercher (étape 3)
Quelques astuces
Dans la mesure du possible, vous devez faire preuve de neutralité. Les deux côtés co-existent. Il n’y a pas de vrai ou faux à ce stade. Il faut amener les participants à réaliser l’impasse.
Essayez d’utiliser le mode affirmatif pour l’objectif commun et les conditions nécessaires. C’est toujours plus facile de dire ce qu’on ne veut pas, mais c’est plus utile de savoir ce que la personne souhaite obtenir ou avoir.
Résoudre le conflit
Enfin, il ne reste qu’à comprendre ce qui se passe dans les flèches. Quels sont les hypothèses, croyances ou principes qui expliquent les liens entre les cases. En recherchant les liens, avec des outils comme les 5 Pourquoi, de nouvelles possibilités apparaissent. Les participants peuvent comprendre les besoins des autres et trouver de nouvelles solutions.
L’auteur du rapport ne peut pas corriger ses propres fautes d’orthographe.
Notre client ne fera plus affaire avec nous s’il y a des fautes d’orthographe.
Notre client ne fera plus affaire avec nous si nous livrons en retard …
Dans ce cas, un simple correcteur d’orthographe peut résoudre le nuage et assurer une livraison dans les délais avec une révision rapide du document.
Comment devenir bon en résolution de conflits ?
Comme pour tout, il faut pratiquer… Et il faut commencer facile. Ne vous embarquez pas à résoudre le conflit entre votre tante et son voisin qui ne se parlent plus depuis 20 ans… ou à décider si vous devez postuler sur un nouveau poste. Cela reviendrait à monter sur des skis pour la première fois en haut d’une piste noire. Échec garanti…
Commencez par résoudre de simples conflits internes tels que le choix d’un plat au restaurant. Pour rester dans la thématique, vous pourrez ensuite résoudre des conflits entre individus sur le choix du restaurant ou d’une activité. Des conflits moins chargés émotionnellement seront plus faciles à résoudre car vous aurez accès aux hypothèses, croyances ou principes.
Pour aller plus loin
J’ai vu des nuages d’évaporation plus détaillés qui rajoutent des cases intermédiaires. Quel que soit l’outil, l’entrainement vous aidera à décider ce qui fonctionne le mieux pour vous et votre organisation. Le but est de comprendre le principe pour l’utiliser de façon intuitive.
Voici un exemple d’un nuage un peu plus fourni. Il part du principe qu’il n’y a pas d’objectif commun facilement identifiable. Chacune des colonnes représente une des parties du conflit. Vous inscrirez, de haut en bas, l’objectif qui semble compromis ou sacrifié, le problème, l’inconvénient et le comportement. Idéalement, vous arriverez à faire comprendre aux participants qu’ils ont en fait un objectif commun, et vous pourrez « réduire » le nuage à la première version que je vous ai présentée.
Si ce sujet vous intéresse, je vous recommande la lecture de deux livres (en anglais). Behind the cloud de Jelena Fedurko, vous apportera les notions théoriques et des techniques. Corkcrew solution de Clarke Ching présente l’outil de façon romancée et est plus facile à lire. Les nombreux exemples aident à bien comprendre les concepts et à les utiliser ensuite.