Dr Dominique Dupagne a publié en 2012 un essai au sujet du fonctionnement des organisations. Je reviens sur le parallèle qu’l fait entre l’organisation humaine et les organisations sociales d’autres espèces animales.
Dans son ouvrage, Dr Dupagne décortique le fonctionnement hiérarchisé des organisations pour en comprendre les dysfonctionnements, et proposer des solutions. Il part du constat que de nombreuses personnes souffrent dans leur travail. Cette souffrance vient de la création de procédures toujours plus nombreuses, et imposées aux équipes : ces dernières ne sont que des exécutantes, qui doivent respecter les procédures définies par une autorité : gestionnaire ou service qualité. Les équipes n’ont plus aucune marge de manœuvre et souffrent de ne pas pouvoir bien faire leur travail : face à des procédures inadaptées. Logique : elles sont écrites par des personnes qui ne les mettent pas en application.
C’est exactement le modèle tayloriste, ou, si les procédures sont reines, bureaucratique.
Le livre est organisé en trois parties, dans chacune l’auteur fait des parallèles avec le fonctionnement biologique du corps humain. La première partie explique les modèles d’organisation et le besoin de « domination du mâle », la deuxième partie étudie des organisations qui existent avec un modèle différent et enfin, il propose sa vision de l’avenir dans la dernière partie.
La biologie qui nous gouverne
Dans la première partie de l’ouvrage, Dr Dupagne nous explique que biologiquement, nous sommes programmés pour transmettre nos gènes : c’est la base pour la survie de l’espèce. Notre ADN nous contraint à nous reproduire, mais nous décider les stratégies à mettre en place pour transmettre et assurer la survie de notre ADN. C’est d’ailleurs le cas de toutes les espèces animales, et chacune a développé au fil du temps une stratégie qui donne de meilleurs résultats.
L’adaptation des espèces à leur milieu est d’ailleurs un bon exemple, puisque ces stratégies peuvent évoluer en fonction de l’environnement. Ces stratégies de transmission de l’ADN se caractérisent par l’organisation entre les individus d’une espèce. En effet, une stratégie d’entraide ou de domination aura un impact direct sur la façon dont les individus interagissent et s’organisent.
Les modèles d’organisations
La Nature a créé plusieurs modèles organisationnels, deux sont détaillés en particulier.
Dans des petits groupes de mammifères, tels que les lions ou les singes, un mâle domine le reste du clan. Les mâles dominés attendent de devenir plus forts ou l’affaiblissement du dominant pour prendre sa place. Les femelles protègent leurs petits de la violence des mâles. Ce modèle fonctionne dans des petits groupes, quand le groupe devient trop grand, le mâle dominant n’arrive plus à gérer son clan et en général, il se produit une scission, avec un deuxième mâle qui va créer un autre clan. Nous sommes dans le modèle autocratique.
Dans le monde des insectes « sociaux » tels que les fourmis, tout le monde participe à l’agrandissement de la colonie. Chaque individu à un rôle défini : nourrir les petits, aller chercher à manger, défendre le nid, et tous travaillent pour un objectif commun. Ce genre de modèle existe également à l’intérieur de l’humain : le système immunitaire est composé de différents individus qui luttent ensemble pour maintenir l’humain en santé. C’est le modèle participatif.
Les dysfonctionnements actuels
Ce livre explique l’impact du modèle de « mâle dominant », en particulier en France. Deux exemples des conséquences de ce modèle sont cités :
- L’affaire du Médiator : médicament de traitement du diabète de type II. Il a largement utilisé comme « coupe-faim », avec des effets secondaires gravissimes. Il a mis de longues années avant d’être interdit.
- L’échec de la campagne de vaccination massive contre la grippe H1N1. En contradiction avec le succès des vaccinations massives de la grippe saisonnière des autres années.
Des exemples similaires tels que le scandale du Vioxx montrent que le phénomène n’est pas lié à la France.
Dicter à chacun, au travers de standards et de procédures, la façon de travailler n’est donc pas efficace. Et pourtant c’est ce que l’on préconise dans le Lean ? Pas tout à fait, le Lean part du terrain, les standards et les procédures sont définis par ceux qui les utilisent, et ce sont eux qui les mettent à jour au besoin. En effet, chacun s’applique à réaliser un travail de qualité. La satisfaction du travail bien fait est présente chez tout le monde. Personne n’a besoin de quelqu’un qui lui montre comment « bien faire » son travail.
Les modèles disponibles pour régler les dysfonctionnements
Le Lean et l’Agile, s’ils sont correctement appliqués, sont des modèles d’avenir. Ils consistent à donner le pouvoir aux équipes opérationnelles. La gestion donne les grandes directions. Les équipes choisissent alors comment travailler pour mieux répondre à la direction donnée.
Le web 2.0 est un bon exemple d’autorégulation et de partage d’un objectif commun. Dr Dupagne donne en exemple le forum qu’il administre. L’objectif est de fournir une information pertinente sur la santé. Quand un individu fait de la publicité ou se présente comme « grand expert qui va tout résoudre », il est sérieusement rabroué par la communauté. Il n’y a pas de « chef », mais un ensemble de membres qui partagent leurs savoirs et essayent d’avancer au mieux ensemble. C’est également le fonctionnement des projets dits « agiles ».
Pour en savoir plus, je vous invite à lire l’ouvrage ou à consulter son site.